Galerie pédagogique du Lycée Julien Gracq à Beaupréau, novembre 2024
« Réalisés à la chambre photographique au moyen format, la plupart des récits que je présente racontent l’histoire du vivant par le paysage, ses strates, ses habitants, son passé et son présent sauvage. Je vis et travaille depuis près de vingt ans entre Saint Nazaire et le littoral.
Pendant cinq semaines de résidence au Pouliguen en 2016, je me suis intéressée à l’environnement naturel des marais salants en puisant mon inspiration dans la nature, le monde animal et minéral selon l’histoire géologique du lieu (projet Les Vagues). L’appropriation du paysage s’est faite par la matérialité du sel à la fois matériau blanc et sujet de l’histoire racontée.
Onirisme et réalisme s’entremêlent à travers une dizaine de sites photographiés.
Le pays noir donne suite au pays blanc, depuis quelques mois j’arpente la Brière, pour répondre à une commande, du théâtre de Saint-Nazaire, de collaboration avec une autrice sur ce territoire maritime. L’eau noire, la Tourbe, le Morta et les sangsues sont les nouveaux matériaux du récit.
Cependant, dans mon travail, le paysage ne suffit pas. Réinventer la photographie consiste alors, à photographier, non pas seulement une réalité donnée, un point de vue sur le paysage, mais aussi un simulacre qui se donne pour vrai.
Dans chaque image, un corps animal artificiel est introduit et installé dans le milieu naturel.
On photographie toujours au présent. L’idée est de confronter dans un même geste, deux temporalités, le moment présent du paysage naturel tel qu’il se révèle au moment de la prise de vue et celui de l’animal naturalisé qui appartient au passé.
Ainsi, quand je photographie un corps animal dans le paysage, je documente un geste, le geste de la mise en scène et du dépôt. Le moment enregistré a toutes les apparences d’une saisie de l’instant, il est en réalité prémédité, réfléchi, imaginé.
On pourrait croire à une opération de collage digital, cependant, le virtuel se substitue au réel, ou plutôt se fait simulacre en s’y intégrant et prétendant l’être, simulant une illusion de réalité. Pas de simulacre numérique donc, mais un jeu de déplacements d’objets imitant la réalité qui prennent l’apparence du vrai.
Ce sont ces glissements successifs du réel qui m’intéressent, pour créer des espaces au sein de l’image, interrogeant la manière dont elle s’est constituée.
Travaillant avec un appareil argentique tenu à la main, moyen format et objectif macro, j’assume une approche physique, corporelle de mes sujets.
Le regard subjectif n’est jamais figé.
Démultipliant les prises, multipliant les points de vue, j’évite d’adopter un point de vue unilatéral au profit d’une suite de perspectives mobiles et changeantes.
Le travail prend la forme de séquences photographiques qui restituent une impression de mouvement et soulignent le déploiement des actions dans le temps. Plutôt que d’orienter le regard vers un « moment décisif » ou une signification figée, j’invite le spectateur à générer un sens à travers son propre regard attentif.
La multiplicité des points de vue éclate la linéarité du récit pour construire des sens multiples et pluriels.
Le projet fleuve envisagé pour 2025, à l’embouchure de l’estuaire de la Loire, me permettra de capter la multiplicité des forces qui le traverse, qu’il s’agisse des intérêts commerciaux et industriels, des histoires culturelles ou des liens familiaux qui se tissent d’une rive à l’autre, mais aussi des animaux et des plantes de la région, qui subissent une pression accrue en raison de la montée des eaux et du changement climatique. Je voudrais mettre à jour par l’image, les conceptions humaines souvent contradictoires appréhendant le fleuve tout à la fois comme un cours d’eau « sauvage et pittoresque », un réservoir d’eau et une frontière politique au croisement de plusieurs territoires. »
Hélène Benzacar
Activation du DIORAMART en classe de seconde et pendant la « Petite fabrique » de Cholet. Jeu Physique de médiation innovante, conçu par Hélène Benzacar pour la Galerie Hasy.